Avant d'aller plus loin dans cet article, on va de suite clarifier 3 choses :
La première, Normal people est basée sur le roman éponyme écrit par l'auteure irlandaise Sally Rooney et sorti en 2018. Je n'ai pas lu le roman, donc je ne suis pas en mesure de proposer un comparatif entre la fiction et l’œuvre originale. J'ai lu ici et là que l'adaptation est assez fidèle, mais je ne peux te donner mon avis sur la question. Oui c'est comme tous les abrutis qui ont regardé Game of Thrones sans avoir lu les bouquins de George R. R. Martin. En fais-je parti ?
La deuxième clarification que je souhaite apporter concerne la production de la série. À ce jour, seule une saison existe et aucune communication de faite concernant une annulation ou un renouvellement. Pourquoi parler de la série sur ce site si elle n'est pas annulée, me diras-tu ? Tout simplement parce ce que j'ai le clavier au bout des doigts et je fais ce que je veux. C'est aussi et surtout que j'ai envie de parler de cette magnifique série. Elle rentre dans la catégorie des séries dont la première saison se suffit à elle-même. J'étofferai cet argument dans une des raisons du pourquoi il faut regarder Normal people.
Enfin, la troisième chose à prendre en considération avant de lire la suite de cet article, c'est la subjectivité. Il s'agit de mon opinion, mon ressenti face à l’œuvre réalisée par Lenny Abrahamson et Hettie Macdonald. Si tu n'es pas d'accord avec les points que je présente ou que tu aurais aimé en ajouter d'autres, exprime-toi dans les commentaires en termes intelligibles ou pas...
Trêve de blabla, c'est parti pour ce top 5 qui fait de Normal people la petite pépite de 2020.
1. Une histoire d'amour banale, mais belle
Ah l'amour... mon côté Fleur Bleue a resurgi devant cette belle histoire d'amour. Il faut dire qu'adolescent, j'étais adepte de comédies romantiques comme Pretty Woman, Ghost ou encore Dirty Dancing. Pour les deux dernières, il y avait l'effet Patrick Swayze, un acteur pour lequel je vouais un culte surtout après l'avoir vu dans Point Break. Et le coquinou était toujours en charmante compagnie. De Demi Moore à Jennifer Grey en passant par Keanu Reeves, quel classe quand même.
Apparemment un formidable amant, mais ses talents en poterie sont à revoir :
Normal people suit l'évolution de l'histoire d'amour entre deux jeunes : Connell et Marianne. Contrairement aux films susnommés, Normal people n'est pas une simple comédie romantique. Déjà, elle se classe plus dans la catégorie drame et il faut y voir quelque chose de moins romancé et de plus ordinaire. Oui, une histoire d'amour somme toute banale, comme cela est indiqué dans le titre.
Connell et Marianne, les deux héros de la série, auraient pu être tes voisins, mes copains de lycée, des individus quelconques. Ils sont toi, moi, vous, tout le monde. En quelque sorte, on a tous en nous une part de Connell et Marianne.
Il est très facile de se projeter sur leur couple. De la naissance de leur lien amoureux, de leur amitié, de leur rupture, de leur souffrance, de leurs ébats... se dégagent des bribes de chaque relation que peut connaître quelqu'un au cours de sa vie. Leur histoire c'est la leur, mais c'est aussi la nôtre. Personnellement je me suis reconnu par certains aspects de ce qu'ils ont vécu ensemble.
Jean-Clément : "Vas-y raconte un peu tes histoires de cul !"
Cher ami, je te propose tout d'abord que tu ailles te faire une petite poêlée d'Amanite phalloïde et je te raconte tout ça après, promis ;)
Ce ressenti m'est propre et personnel. Nous ne sommes pas encore assez intimes pour en discuter, mais ne perd pas espoir, petit à petit tu en sauras plus sur moi et mes secrets...
En résumé, Normal people est une simple histoire d'amour entre un homme et une femme, le tout raconté avec beaucoup d'authenticité. Il est donc très facile de plonger corps et âme dans cette histoire, certes classique, mais tellement belle.
2. Un casting avec Monsieur et Madame tout le monde
Daisy Edgar-Jones et Paul Mescal, respectivement Marianne Sheridan et Connell Waldron dans Normal people, nous livrent une interprétation remarquable durant les 12 épisodes qui composent la série.
Un jeu d'acteur à la fois juste et touchant sans en faire trop. Ici, pas de drama inutile, pas de profusion de larmes, pas d'excès en tout genre. Normal people nous plonge encore une fois dans une histoire fidèle à ce que chacun pourrait vivre. il y a certes des moments de tristesse, des tensions, des questionnements, des joies, etc. mais pas de démesure.
Je pense que le travail de la direction des acteurs a été très important afin de répondre à ces exigences. En tout cas, c'est encore une fois mon ressenti.
Daisy et Paul sont dans la justesse de la situation et sont fidèles aux personnages qu'ils incarnent. Il faut bien dire que Marianne et Connell ne sont pas non plus des extravertis. Il aurait été étrange de les voir se déchirer comme des malpropres, tu sais, comme Kevin et Kimberly, tes voisins du 3ème étage. Ceux qui auraient pu intégrer le casting des Marseillais...
(Cette photo est dégueulasse tout autant que leurs coifures et leurs gueules de décérébrées, désolé de te faire subir ça...)
Cette justesse d'interprétation, dont je parlais un peu plus haut, témoigne également de l'osmose entre les comédiens. On sent une véritable connivence, une quasi harmonie entre Daisy et Paul. Une lien important entre les comédiens d'autant plus lors des scènes intimes. J'aurai l'occasion d'y revenir à la fin de l'article.
Pour conclure ce point sur le casting, parlons de la beauté de Daisy et Paul. Les deux tourtereaux ressemblent à tout le monde. Pas de bimbo surfaite ou de mec bodybuildé. On est loin du casting de beaucoup trop de séries américaines. Attention, je ne dis pas que Daisy et Paul ne sont pas beaux. Là aussi, l'esthétisme est quelque chose de très subjectif. Et d'ailleurs, ils ont une véritable beauté, un charme fou et j'ai clairement eu un gros coup de cœur pour Daisy Edgar-Jones.
On est loin des standards habituels livrés par les médias de masse avec des nanas à la plastique irréprochable, maquillés à la truelle, ou avec des mecs en mode vénère, à la coiffure de footballeur, aux biceps contractés à s'en faire un retournement du rectum.
Daisy et Paul sont un peu monsieur et madame tout-le-monde, un couple ordinaire que tu aurais pu croiser à la FNAC un samedi après-midi et sur lequel tu ne te serais pas retourné.
3. Une réalisation contemplative
La première chose qui m'a frappé devant Normal people, c'est la réalisation.
Au même titre que cette histoire d'amour ordinaire, la réalisation se veut simple et efficace. Attention, elle n'est en rien mauvaise. Au contraire, elle prend le temps d'accompagner les personnages dans leur histoire. À la limite du contemplatif, on se croirait presque dans un film de Terrence Malick.
Une comparaison qui, je le sens, interroge les cinéphiles admirateurs du travail de Monsieur Malick .
Pour toi qui ne le connaîtrait pas, Terrence Malick est un scénariste et réalisateur américain à qui l'on doit de véritables chefs-d'oeuvre comme notamment La Ligne Rouge et The Tree of Life. Ce parallèle entre Normal People et Malick, je le ressens principalement sur la lenteur présente dans la série. Elle prend son temps, laisse vivre les personnages pour nous permettre de les accompagner dans leur aventure. Les plans larges sur les paysages ou encore les plans resserrés sur Connell et Marianne sont parfois figés et cristallisent la beauté du moment.
Normal people nous place devant une réalisation authentique et intimiste. Il est alors difficile de ne pas plonger pleinement au cœur de cette histoire d'amour remplie de douceur et de bienveillance.
4. La place de la femme / La place de l'homme
Lorsque j'ai terminé l'intégralité de la série, j'ai repensé à de nombreuses reprises à Normal people. Ce qui est, pour moi, un gage de qualité. Une série qu'on oubli aussitôt après l'avoir terminée, n'aura été qu'une perte de temps.
Dans le cas de la série irlandaise, j'ai été amenée à y revenir, revoir des scènes fortes, penser à ce couple à la fois atypique et tellement ordinaire. Puis, quelque chose m'a frappé, quelque chose que je n'avais pas nécessairement identifié lors du visionnage, c'est la place de la femme et de l'homme dans l'histoire.
Bien souvent, les œuvres romantiques nous content leur histoire du point de vue d'un des personnages : une femme qui essuie chagrin d'amour sur chagrin d'amour, et qui un beau jour tombe sur la perle rare. On suit alors les péripéties de la jeune femme pour arriver à ses fins et conquérir le coeur du bien-aimé. C'est très schématisé et caricatural de la comédie romantique de base, j'avoue ! Cela reste pourtant vrai dans la mesure où une très grande majorité des fictions romantiques empruntent ce biais narratif-là.
Dans l'histoire d'amour décrite dans Normal people, Connell et Marianne sont placés d'égal à égal. Ils font tous les deux partie intégrante de cette histoire. Et ça tombe bien, car dans une histoire d'amour on est deux... généralement deux, je ne parle par des trouples et autres histoires polygames.
La série nous accompagne donc dans l'intimité des deux personnages. On vit avec eux cet amour mêlé à la fois de chagrin, d'attirance, de déception, de rage, d'égarement, etc.
Concernant plus particulièrement la place de l'homme, j'ai été très agréablement surpris par le personnage de Connell.
Dès le début, la série nous montre ce jeune lycéen qui réussit dans ses études, dans sa vie sociale et est la star du sport local de son lycée. Connell est l'équivalent du quaterback du football américain. Et pourtant, les scénaristes ont complétement détruit le cliché du sportif décrit dans de trop nombreuses séries pour ados. Au placard le mec musclé, imbus de sa personne, méchant avec les têtes de la classe et au comportement misogyne exacerbé. Normal people nous livre un héros touchant, attentionné et avec ses propres faiblesses. La série va même au-delà, en présentant un homme prévenant.
Connell n'est pas l'homme parfait, mais tout simplement un homme ordinaire dans toute sa simplicité et avec ses vulnérabilités. L'homme que l'on croise partout, car tous les hommes ne sont pas des beaufs. Oui, il y en a, on est bien d'accord ! Et c'est souvent eux qui sont mis sur le devant de la scène. Pourtant la plupart des mecs sont des types bien, comme notre cher Connell.
La prévenance dont je parlais quelques lignes au-dessus se retrouve aussi dans les scènes érotiques. Des scènes d'ailleurs remarquablement filmées. Rien de pornographique ou qui se veut osé, mais bel et bien de belles images témoignant de l'amour de ces deux êtres.
La réalisation est une nouvelle fois mise en avant à travers les regards, les souffles, les sensations de Marianne et Connell. Ces scènes ne sont pas là pour montrer du cul, elles font partie intégrante de la narration et ont également un rôle de prévention. La série parle ouvertement du consentement. Avant la pratique d'une position sexuelle, Connell demande à Marianne si elle est d'accord. Il y a un accompagnement des deux êtres lors de ces scènes, une acceptation mutuelle des désirs de l'un et de l'autre.
D'ailleurs, concernant la question des scènes de sexe au cinéma et dans le monde des séries télévisées, j'ai découvert le métier de coordinatrice d'intimité. Je te renvoie à l'excellent article d'Anais Bordage sur le site Slate : Dans les coulisses des scènes de sexe de "Normal People".
Pour conclure, que ce soit l'homme ou la femme, Normal people ne prend pas de parti et offre aux téléspectateurs une perspective sur ce qu'est une véritable histoire d'amour entre un homme et une femme, ou du moins ce qu'elle devrait être...
5. Une seule saison et puis s'en va
Pour terminer cet article, je tiens à revenir sur la question de la saison unique. Attention quelques spoilers sur la fin de la série sont présents dans ces lignes.
Comme précisé en préambule, Normal people n'a, à ce jour, pas été annulée. Une saison 2 n'a pas encore été commandée et nous restons pour l'instant sur cette unique saison 1. Et j'aimerais que ça reste comme ça.
Peut-être que les scénaristes en ont encore sous la pédale et qu'il ont des idées pour poursuivre l'histoire de Marianne et Connell. Effectivement, il y aurait certainement des choses à dire sur leur éloignement et sur comment ils pourraient éventuellement se retrouver à nouveau : Marianne qui rend visite à Connell à New York, de là les sentiments renaissent... Pourquoi pas, mais est-ce vraiment utile ?
La série décrit parfaitement ces années difficiles, sentimentalement parlant, qui nous conduisent de l'adolescence à l'âge adulte. Chacun peut se retrouver dans cette histoire. À-t-on réellement besoin d'aller plus loin ?
L'épisode 12 se termine sur une séparation nécessaire et finalement heureuse. Peut-être se retrouveront-ils, peut-être fonderont-ils une famille chacun de leur côté, peut-être que leur histoire restera à jamais graver dans leur mémoire... c'est à chaque téléspectateur d'imaginer à présent la suite, sa suite, celle dont il a envie.
C'est cette magie que j'aime à retrouver dans une oeuvre fictive. J'aime qu'on me laisse imaginer la suite. On me donne la plume et c'est à moi d'écrire la fin de l'histoire. ATTENTION GROS SPOILER : tout comme Les Soprano ont su le faire dans l'épisode final de la série. Tony est-il mort ou finit-il son repas paisiblement avec sa famille ? Une fin décriée par beaucoup, mais pourtant parfaite. FIN DU GROS SPOILER
Si Normal people doit revenir avec une saison 2, je serai bien évidemment devant mon écran avec beaucoup de plaisir. Néanmoins, une annulation ne me décevra pas et me permettra de rester sur un avis ultra positif. Entre nous, si ce show peut éviter de tomber dans l'écueil des séries qui auraient mieux fait de s'arrêter après la première saison, ce ne serait pas plus mal. Je pense à Prison Break, Californication, Veronica Mars et bien d'autres encore. J'aurai l'occasion de détailler tout ça dans un prochain abécédaire qui fera suite à l'abécédaire des séries annulées trop tôt.
Pour toutes ces raisons, et bien d'autres (la musique dont je n'ai pas parlé, mais qui aurait eu sa place pour une sixième raison), Normal people est mon gros coup de cœur de l'année 2020. La série est même entrée dans mon Panthéon des séries cultes. Si tu ne l'as pas encore vue, fonce et viens me donner ton avis.
Pour te donner envie de plonger dans la série, voici le trailer officiel :